18 Novembre 1914, PREMIER COMMANDEMENT...

Extrait d'une lettre manuscrite de Pierre Albessard
"Bord du Marceau, le 3 Décembre 1914..."



"...C'est de cette façon que j'ai été nommé au commandement provisoire du "un canon" remorqueur "Laborieux" avec mission d'aller chercher un gros navire allemand, le "Kalymnos", capturé dès le début des hostilités, et de le ramener à Malte pour le remettre aux anglais qui en avaient fait la prise, mais avaient dû le laisser à Sidi Abdallah.
Le 18 Novembre 1914, dans la matinée, j'appareillais fier comme Artaban, avec un bateau, un canon, mes 35 hommes d'équipage.
Dehors, j'ai rencontré un temps abominable, une mer à défoncer tous les "un canon" de l'univers.
Je n'avais qu'une ressource; j'étais à la hauteur de Gozo, l'ilôt NO du groupe Maltais. Je devais rentrer me réfugier à Malte. 
Vous pensez si cela m'ennuyait.
Tous mes camarades ne tarderaient pas à me blaguer sur ma sortie. 
Et c'est effectivement ce qui m'est arrivé, car je ne pouvais plus étaler avec mon petit navire de 55 mètres, et je dus me décider à retourner à La Valette. J'étais furieux de ce contretemps; mais il fallait rentrer et si je vous le dis, si je vous dis également que je m'attendais aux sourires et demandes ironiques de tous, vous pouvez être sûr qu'il n'y avait plus moyen de faire route.
Aussi ai-je été bien accueilli à mon entrée dans le port!
Mon camarade Raffi m'envoya un mot: Commandant du Laborieux, je vous croyais plus hardi!!!!!! avec six points d'exclamation!
Quant au Commandant, il fût stupéfait et me demanda avec angoisse ce qui m'était arrivé. Je le rassurai immédiatement et l'assurai du bon état de mon navire.
Enfin, tout le monde me "chinait" très gentiment, lorsqu'on apprit que des torpilleurs et contre-torpilleurs, sortis le matin, rentraient également. 
Eux, non plus, n'avaient pas pu tenir dehors. 
Personne ne se moqua plus de moi. Au contraire, on commençait à m'approuver; j'avais eu du flair; sens marin très développé, etc...
Le NO souffa en coup de vent pendant deux jours.
Enfin le 20, il y eu une accalmie dont je profitais pour appareiller de nouveau. 
Dans la nuit du 20 au 21, le "Hurricane" se déchaîna à nouveau, et j'attrapai un coup de tabac soigné. Enfin, je réussis à arriver à Bizerte dans la nuit du 21, après, comme vous le voyez, bien des émotions.
Je ne suis pas resté du reste à Bizerte; le "Kalimnos" était à Sidi Abdallah, sur le lac. C'est là que j'ai amarré mon navire et ai pu dormir en toute sécurité.

Départ de Sidi Abdallah le 25; j'escorte le "Kalimnos" et suis derrière lui en ligne de file. A peine sommes nous arrivés à la hauteur de Farina à l'entrée ouest du Golfe de Tunis, que la mer se creuse, le vent prend au NO, fraîchit.
Vers dix heures du soir, il ventait à tout démolir.
Le "Kalimnos" étalait, mais mon bateau bien qu'ayant la mer de la hanche fatiguait énormément. Il avait de tels coups de roulis que par moment, on eut crû qu'il allait faire le tour complet. Enfin, j'ai eu pendant toute la nuit une mer démontée, augmentant de force d'heure en heure, rendant la navigation de notre convoi, impossible.
Nous relachâmes à l'abri des vents de NO dans cette petite baie de Kélibia, d'où je vous ai envoyé une carte.
Deux navires avaient dû déjà s'y réfugier, un vapeur français et le cuirassé "Latouche Tréville".




Dans cette même nuit, plusieurs torpilleurs se réfugièrent où ils purent; deux d'entre eux furent en perdition et furent sauvés par des remorqueurs.
Enfin, vous le voyez, j'ai eu de la guigne pour mon premier commandement.
Je n'ai quitté "Kélibia" que le 27 dans l'après-midi.
Le lendemain, en mer, par beau temps, je rencontrais deux vapeurs anglais, j'ai arraisonné l'un deux, j'ai visité l'autre.
Rien de suspect dans leurs papiers. Nous les avons laissé continuer.
Je suis arrivé à Malte le dimanche 29 avec mon convoi en parfait état. J'y ai reçu les félicitations du Capitaine de Vaisseau délégué du Vice Amiral, Commandant en Chef et j'ai été relevé de mon commandement pour être dirigé sur le "Marceau" qui à ma très grande stupéfaction avait quitté son mouillage de La Valette.

J'ai immédiatement été embarqué sur le "Casabianca", torpilleur de haute-mer, mouilleur de mines qui partait dans l'après-midi du Dimanche pour la Mer Ionienne...




à suivre...
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